Du Chef de l’Etat Joseph Kabila aux chefs des confessions religieuses, en passant par le bureau de la CENI et le corps diplomatique, l’unanimité a été totale pour la tenue des élections dans un climat apaisé, sérieusement perturbé par les échauffourées du samedi 26 novembre 2011, date de clôture de la campagne électorale enclenchée, pour rappel, le 28 octobre dernier. 

Habitués à réagir à partir du confort douillet de leur salon ou chambre à coucher – passeport en main, carte de crédit dans le porte-monnaie et moteur de jeep en marche pour filer à la première résidence diplomatique ou consulaire accessibles pendant que femmes et enfants sont en totale sécurité à l’étranger - certains acteurs politiques se sont évertués à commenter ces incidents en avançant des dizaines de morts ; d’autres ont même aperçu des gouvernants tirer à bout portant sur la foule en plein Tshangu !
 
Pourtant, dans leur majorité, les candidats à la présidentielle et les journalistes congolais « indépendants » étaient loin du théâtre des événements, notamment le long du boulevard Lumumba, surtout sur le tronçon pont Matete-aéroport de Ndjili, le samedi 26 novembre 2011.

Manifestement, tout a été apprêté pour un soulèvement populaire et, assurément, pendant qu’ils allaient prendre la poudre d’escampette, c’est l’homme de la rue qui se serait livré au carnage. 

Avides de sang, certains reporters des médias se sont empressés de montrer des images des victimes des « balles réelles » tirées, selon ces dernières, par des éléments de la Police nationale congolaise. 

Curieusement, ils n’ont passé aucune image des scènes de brutalité observées dans la rue kinoise avec des hordes de jeunes gens munis d’armes blanches, visiblement drogués, principalement ceux « parqués » le long du boulevard Lumumba !
 
En route pour l’aéroport de Ndjili, nous avons aperçu des cameramen et des photographes étrangers opérant le long de cette importante artère stratégique, la seule « empruntable » pour aller vers Kinkole ou vers l’échangeur de Limete. 

On l’aura d’ailleurs remarqué : même après l’accalmie du lendemain, ces reporters n’ont pas fait preuve d’honnêteté en repartant sur les lieux des incidents pour interroger les riverains, victimes d’effets collatéraux du « pacifisme » dont se drape l’Udps, question d’en savoir un peu plus sur les causes des troubles ! 

Presque tous, par contre, ont trouvé dans l’interdiction faite à Etienne Tshisekedi de quitter l’aéroport de Ndjili une preuve de séquestration de la part de la Police, sans se préoccuper des conséquences d’une « procession » qui serait partie des installations aéroportuaires à l’esplanade du Cinquantenaire, dans une situation rendue aussi inflammable.

Personne n’a appréhendé l’implosion qui se serait produite, par exemple, à la hauteur du siège du Palu, attaqué gratuitement, quelques heures plus tôt, par les combattants de l’Udps, puisqu’à ce niveau-là, il n’y a pas de route de  déviation !

Les observateurs avertis s’en sont au moins rendu compte : pour la première fois dans les annales de ce parti, aucun membre de la direction politique ne s’est empressé de faire une déclaration à la presse pour dénoncer une provocation qui serait venue du Palu ! C’est une façon de reconnaître tacitement la bavure. 
 
Pourquoi cette remontée vers l’aéroport de Ndjili ?
 
Et pour une fois aussi dans l’histoire de l’Udps, Etienne Tshisekedi n’a pas été entendu par les siens, mobilisés pour le meeting de défi qu’il a voulu tenir au stade des Martyrs le dimanche 27 novembre 2011, en dehors du calendrier électoral. 

Il y a donné rendez-vous à ses combattants, et ces derniers se sont défilés. Ils ont certainement recouvré les esprits après la folie de la veille. 

Résultat : on a vu Tshisekedi tancer sérieusement Roger Meece, le patron de la Monusco qui, selon ses propos, n’a pas su le dégager de l’aéroport pour le ramener à l’esplanade du Cinquantenaire, où il venait pourtant de se rendre à sa descente d’avion à l’aérodrome de Ndolo.
 
De ce « détournement », parlons-en calmement. Les sources concordantes laissent entendre qu’en raison de la situation implosive qui prévalait sur le boulevard Lumumba, la nécessité de rétablir l’ordre public a obligé les autorités d’éviter tout atterrissage des candidats à l’aéroport de Ndjili. 

D’où le choix de Ndolo, au demeurant approprié pour les petits porteurs.   
Joseph Kabila est passé par là une demi-heure plus tôt.  Etienne Tshisekedi est passé aussi par là. Les mêmes sources affirment qu’à sa descente de son petit porteur, le lider maximo s’est rendu effectivement à l’esplanade du Cinquantenaire où, n’ayant pas vu les « siens » à la suite de la mesure d’interdiction de toute activité publique prise par le gouverneur de la ville André Kimbuta, il est bel et bien reparti chez lui à Limete. 

C’est de là qu’il est remonté à l’aéroport de Ndjili où se trouvait le gros de ses « troupes ».
Dès lors, plusieurs questions se posent et demeurent, cinq jours après, sans réponse : pourquoi Tshisekedi a-t-il tenu absolument à rejoindre l’aéroport ? Qu’est-ce qui avait été planifié comme action pour justifier impérativement sa présence ? Pourquoi ses combattants, adultes et enfants confondus (j’en suis un des témoins oculaires), avaient-ils des projectiles ? Ces projectiles étaient destinés à l’accueillir, lui, à coups de pierre et de tesson ? Qui avait donné aux combattants l’ordre de s’en munir ? Et pour en faire quel usage démocratique ? 

A nous qui sommes témoins des événements de ces 21 dernières années de la scène politique « kinoise », les événements du samedi 26 novembre 2011 ont de quoi rappeler la marche des Chrétiens du 16 février 1992. 

Des caméras avaient été placées dans le feuillage des arbres de la maison communale de Kalamu, braquées sur la nef de la paroisse Saint-Joseph. C’est sur cette esplanade que les « organisateurs » acheminaient des victimes tombées sous les balles de la Dsp et de la Garde civile un peu partout dans la ville. 

Pour la célébration du dixième anniversaire de sa création survenue la veille (le samedi 15 février), l’Udps avait, comme qui dirait, besoin d’une répression sanglante pour isoler davantage le régime du maréchal. 

La communauté internationale en général et la Cenco en particulier s’étaient fait piéger, si bien que le 16 février 1993, le cardinal Laurent Monsengwo, à l’époque monseigneur, s’était écrié : « Plus de 16 février dans ce pays ».
 
Vingt ans après, l’Udps a récidivé. Mais, cette fois, elle a eu le malheur d’avoir fort à faire avec une communauté internationale suffisamment avertie, et une Cenco qui ne l’est pas moins.

Résultat : hors de lui comme il sait l’être, Tshisekedi a exprimé sa colère en demandant le rappel de Roger Meece au motif qu’il serait proche de Joseph Kabila ! 

Déjà, le matin, sur Rfi, le même samedi, il s’en est pris à la communauté internationale qui, à l’en croire, ne comprend rien des préoccupations des Congolais pour la liberté et la démocratie.

 Pourtant, cinq jours plus tôt, à l’étape de sa campagne électorale à Mbandaka, il a promis de l’emploi à la jeunesse de l’Equateur en avançant comme raison les contacts fructueux qu’il a noués en Occident avec les opérateurs économiques européens et américains, prêts à venir investir au Congo une fois qu’il est élu !
 
Tentative mal inspirée…
 
En voulant tirer profit des événements du 26 novembre 2011, Tshisekedi a manqué son premier rendez-vous de « martyr » de l’Etat de droit, de la bonne gouvernance etc. 
Le deuxième rendez-vous manqué, c’est avec les événements du 28 novembre 2011. Il a, en effet, levé l’option d’aller voter à Kingasani alors qu’il s’est enrôlé à Limete. Certes, la loi électorale lui reconnaît le droit de le faire partout au pays, étant donné qu’il a pour circonscription électorale le territoire national. 

D’ailleurs, tout le monde sait qu’il voulait se rendre à Kabongo. Mais voilà que, tout en étant au courant de la vengeance promise par le Palu pour les attaques subies 48 heures plus tôt de la part des combattants de l’Udps, le lider maximo a cherché de repasser  par devant le siège de ce parti, avec tous les risques d’une confrontation entre ses combattants et ceux du patriarche Antoine Gizenga ; les victimes d’effets collatéraux étant les riverains du siège de Parti lumumbiste ! C’est comme si, pendant que la marmite était encore bouillante, il a eu besoin d’empoisonner la journée électorale. Dieu merci : la police l’en a empêché, une fois de plus, et, cette fois-ci, on n’a pas entendu ses porte-voix dénoncer cette énième violation de liberté de circulation !

Tshisekedi va-t-il manquer son troisième rendez-vous, si jamais la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle le 6 décembre 2011 lui était défavorable ? C’est la question que tout le monde se pose !

Certes, depuis son coup de colère à l’endroit de Roger Meece, il a sensiblement modéré son langage. C’est si perceptible dans ses propos de ces derniers jours que l’on sent qu’il a (re)pris conscience des risques d’implosion dont il assumerait l’entière responsabilité. Mais, l’homme a la réputation d’être insaisissable, imprévisible. 

Ce qui est déjà sûr, c’est que, mal inspirée, sa tentative d’établir la complicité « Kabila-Gizenga-Céni-Communauté internationale contre le peuple congolais » en pleine période électorale, a lamentablement échoué. 

Elle a entamé ce qui lui reste de crédibilité. Et sa dernière interview accordée à Colette Braeckman n’est pas pour rassurer les décideurs. 

Elle sème les germes de révolte dans le chef des ressortissants du Kivu où, selon les premières projections, il a réalisé un score ridicule ; le duo « Mbusa-Lubanga » sur lequel il a compté n’ayant pas réussi à lui garantir le score escompté, score qui peut se révéler décisif dans la proclamation des résultats provisoires.
D’ici au 6 décembre 2011, le vrai Tshisekedi pourrait ressurgir.

Omer Nsongo die Lema/CP