Lors d’une séance plénière dirigée le même jour par le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, la commission sénatoriale d’enquête présidée par Florentin Mokonda Bonza, a critiqué ce qu’elle considère comme « la responsabilité de l’Etat qui consomme l’électricité sans payer les factures ». « Ceux qui sont nommés à la SNEL, se comportent toujours comme des fonctionnaires », a dit le sénateur Mokonda, pour qui ces gens ne se rendent pas compte qu’ils sont à la tête d’une entreprise commerciale et industrielle.
« Nous ne pouvons pas tout dire dans le rapport pour des raisons de décence, sinon on accuserait publiquement un certain nombre de personnalités politiques », a fait savoir le sénateur. « Ce qui se passe à la SNEL est un signe que le pays va mal », a soutenu le président de la commission d’enquête.
« Sommes-nous conscients de responsabilités qui sont nôtres et travaillons-nous pour l’avenir de ce pays ?» S’est-il interrogé.
« La SNEL, à l’instar des autres entreprises publiques transformées, est une firme politisée à outrance, souffrant d’un clientélisme de bas étage et pas du tout gérée selon les normes universellement reconnues », a martelé le sénateur Mokonda. Cette entreprise « est régulièrement ponctionnée par les représentants de l’Etat actionnaires sans un moindre souci d’efficacité ni de rentabilité », a-t-il précisé.
« Dès le départ, la SNEL est donc une entreprise gigantesque, composée de diverses entités éparpillées sur l’ensemble du territoire, gérée à partir de la capitale et dont les gestionnaires successifs ne palpent pas toujours les réalités de chacune d’elles. La gestion de ce mammouth telle qu’elle est observée depuis au moins deux décennies manque de souplesse, d’esprit de délégation des pouvoirs et de décentralisation », expliquent les membres de la Commission d’enquête dans un rapport de 205 pages.
La Commission sénatoriale d’enquête est d’avis que la gestion de la SNEL « est victime d’une centralisation excessive du pouvoir de décision au niveau de l’administration centrale, d’une lourdeur dans le processus de prise de décision, de l’ingérence manifeste de l’Exécutif dans l’affectation des ressources générées par les entités, de la concentration des ressources financières au profit de l’administration centrale ».
Elle a qualifié d’«archaïque », cette gestion « du fait de l’absence d’un réseau informatique susceptible de faciliter la circulation rapide et fiable de l’information au sein de l’entreprise ». Du point de vue financier, la situation de la SNEL est catastrophique avec la gestion laxiste dominée notamment par des dépenses somptuaires. Plus de 8 millions USD ont été soustraits de dépenses pour servir le gouverneur de la ville de Kinshasa dans l’éclairage public.
Et les dépenses sont engagées au mépris des règles de la gestion. La SNEL a dépensé 330 mille USD pour la récupération des batardeaux en 2011. En 2009, elle décide de construire des maisons sur le site Kinsuka-pêcheur pour ses agents et cadres en dépensant plus de 7 millions USD. La commission d’enquête a accusé des membres du gouvernement central d’engager la SNEL dans le gouffre pour des « profits plantureux », citant le cas du projet de Kakobola.
Ce dossier illustre bien « l’incurie » dans la gestion des entreprises publiques, souligne-t-on dans le rapport.
En réaction aux préoccupations des sénateurs, M. Mokonda a jugé « nécessaire » d’organiser un débat national sur la privatisation ou la restructuration de la SNEL. « Que le gouvernement amène ce dossier au niveau du Parlement pour participer au processus de la prise de décuisions », a-t-il relevé.
Concernant les créances de la SNEL, l’Etat congolais a commencé timidement à liquider les factures sur instructions de la Banque africaine et de la Banque africaine de développement. « Nous ne pouvons pas tout mettre dans le rapport, s’agissant des plaintes reçues de l’ADG et de l’ADGA de la SNEL, pour éviter de mettre de l’huile sur le feu », a expliqué le sénateur Mokonda.
Des sanctions judiciaires exigées contre les mauvais gestionnaires de la SNEL
Le sénateur Moïse Nyarugabo a exigé mercredi, dans une intervention au débat général sur la gestion de la SNEL, des sanctions judicaires contre les gestionnaires nommés à la tête de cette entreprise. « Je demande qu’il y ait des sanctions judiciaires pour ceux qui ont mal géré la SNEL, en confisquant leurs biens au niveau des cours et tribunaux », a-t-il indiqué.
« L’argent de la SNEL va dans les poches des individus », a noté le sénateur Nyarugabo qui a fait état de tarifs préférentiels coûtant à la SNEL 400 à 500 mille USD par an au bénéfice d’entreprises privées florissantes. Il a rappelé avoir supprimé ces tarifs préférentiels quand il a été à la tête du ministère de l’Economie. Les tarifs préférentiels ont été initiés pour favoriser la consommation de l’électricité d’Inga, a souligné de son côté le sénateur Raphaël Siluvangi.
« Il y a beaucoup d’entreprises, qui ont dû bénéficier des fonds de la SNEL », a-t-il dit. Il a recommandé à la SNEL de poursuivre les entreprises locales et de les priver de la fourniture d’électricité, pour récupérer les énormes sommes éparpillées. « Il faut inviter le nouvel ADG de la SNEL à obtenir le paiement des factures à l’Hôtel de ville, pour que la SNEL ne soit pas victime dans le financement de l’éclairage public », a-t-il précisé.
Le sénateur Aubin Ngongo Luwowo a invité le nouveau comité de gestion de la SNEL à ne pas reléguer la province du Maniema à un centre de recouvrement des recettes dépendant de la direction de Bukavu. De son côté, le sénateur Mwamba Mwamus a demandé à la plénière de rejeter le rapport de la Commission qui n’a pas respecté le délai de son dépôt au terme d’une enquête menée de 2008 à 2011. Cette démarche a été désapprouvée par le sénateur Delphin Kapaya.
« Sans électricité, je ne vois pas comment nos provinces et le Maniema pourront se développer », a-t-il expliqué. Le pays est loin d’aller vers le développement, a souligné le sénateur Kapaya, qui a réagi à l’analyse de son collègue Mwamba. « Il ne suffit pas d’aller recevoir les cachets de la SNEL, pour venir exiger la non recevabilité du rapport d’enquête », a-t-il estimé. « Le rapport d’enquête sur la SNEL est un élément essentiel pour le développement. On ne peut pas au niveau du délai rejeter un document si riche en informations pour le développement du pays », a soutenu M. Kapaya.