Unité Centrale de la Diaspora Rdc

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ELEMENTS DE LA POLITIQUE AFRICAINE DE L'ALLEMAGNE

Éléments  de la  politique africaine 
de l’Allemagne 
 

LES relations historiques entre une ancienne puissance colo-
niale et l’Afrique noire sont toujours interprétées de manière
diverse selon les périodes d’intérêt et suivant l’opinion publi-
que dominante. Cy est pourquoi, il arrive qu’elles influencent les
interprétations de l’analyste. Ainsi du point de vue allemand, la
politique africaine de la France est définie comme une tentative
pour essayer de sauver ce qui est encore possible du passé colo-
nial et de garder des relations avec ses anciennes colonies africai-
nes pour maintenir- sa position de puissance mondiale.’ La politi-
que africaine des Etats-Unis était perçue hier comme destinée à
freiner le communisme et aujourd‘hui comme contrepoids au fon-
damentalisme islamique, le nouvel (( ennemi D.
Mais comment sont vus les liens entre l’Allemagne et l’Afri-
que ? Est-il vrai que la République fédérale d’Allemagne, du fait
du renouvellement de son poids économique, recherche une politi-
que africaine particulière, comme on le dit à l’étranger et comme
le souhaitent certains hommes politiques africains ?
Cent ans de politique africaine : rétrospective
L‘attitude de l’Allemagne envers l’Afrique montre une frappante
constance : un engagement résolu envers 1’Afiique du Sud et le Sud-
Ouest africain (aujourd’hui la Namibie), pays pour émigrants alle-
mands venant du Nord de l’Allemagne et des populations protes-
tantes. Avec ces pays, existent jusqu’à ce jour d’importants liens
culturels et économiques, comme le chancelier fédéral Helmut Kohl
l’a souligné en septembre 1995, lors de sa visite dans ces deux Etats.
Cette relation constitue un chapitre spécial qui ne peut pas être
traité dans cet exposé (1). Par contre les relations entre l’Allemagne

13 POLITIQUE AFRICAINE 
et  le  reste de  l’Afrique  sont  complètement  dzérentes.  Pour 
cela, la fameuse citation de Bismarck en 1888, quatre ans après
l’acquisition de la première colonie allemande en Afrique, reste tou-
jours d’actualité. I1 déclarait à l’explorateur Eugen Wolf que : ( ( M a
carte de l’ilfripue se trouve en Europe, ici c’est Ia Russie et lù se trouve
la France, nous sommes a u milieu, c’est ma curte de I’Afrique. n Pour
Bismarck en effet, sa politique africaine est subordonnée à la poli-
tique européenne et aux intérêts commerciaux allemands, qui fina-
lement le pousseront à se lancer dans l’aventure coloniale. Cette
politique n’est poursuivie que lorsqu’elle ne dérange pas sa politi-
que européenne, et ses acquisitions coloniales en Afrique n’ont été
réalisées qu’avec l’accord de l’Angleterre et de la France.
Naturellement, il existait aussi en Allemagne un mouvement
colonial qui voyait dans les colonies un but important de la politi-
que impériale allemande. I1 était surtout représenté par l’Associa-
tion coloniale allemande (Deutscher Kolonialverein) fondée en 1882.
Celle-ci s’était associée avec le lobby colonial économique pour obte-
nir que les anciens protectorats devinssent colonies et que les colons
allemands puissent s’installer librement en Namibie et en Afrique
de l’Est. Mais la politique coloniale allemande n’a jamais réussi
à avoir son autonomie et encore moins d‘atteindre le but d’u assi-
milation et de propagation de civilisation D. Les questions colonia-
les sont largement traitées sous l’aspect de la politique intérieure.
Un des motifs du changement de la politique coloniale de Bis-
marck, attesté par ses instructions du 27 avril 1884 données au con-
sul allemand à Kapstadt consistant à mettre les propriétés de
l’homme d‘affaires Lüderitz, situées au Nord du fleuve Orange sous
la protection de l’Empire, avaient pour but de stabiliser l’ordre natio-
nal intérieur en Allemagne en déviant l’attention des conflits sociaux
sur l’extérieur. Aussi le gouvernement impérial eut-il quelques suc-
cès :*le Parlement (Reichstag) r e p t le droit de voter le budget pour
les Etats coloniaux et disposa d‘une plus grande influence sur la
politique coloniale que les Parlements des autres pays colonisateurs.
Les sujets coloniaux ont même reçu le droit de pétition. La politi-
que coloniale est devenue entre 1884 et 1914 un thème important
des débats de politique intérieure et traitée au Parlement qui, du
reste, selon la Constitution de 1871 avait des pouvoirs limités. C’est
ainsi que les importantes élections de 1907 tournaient autour de
la question coloniale et étaient entrées dans l’histoire parlementaire
allemande sous le nom des U élections hottentots D.
Le traité de Versailles, où les colonies allemandes ont été pla-
cées sous le mandat de la Société des nations, mit fin à la domi-
nation coloniale allemande en Afrique. Seulement pour la droite
(1) Se reporter à l’article de J.-Y. Paraïso
dans ce dossier. 

14 P. MOLT
revanchiste et révisionniste de la République de Weimar, le ((vol
des colonies D demeure un thème important de propagande, justi-
fié par l’idéologie du (( peuple sans espace n. Le parti national-
socialiste a fondé en 1937 un groupe d‘étude devant préparer
l’exploitation et la gestion des anciennes colonies allemandes en fi-
que après les victoires sur la France, l’Angleterre et la Belgique.
Même pour Hitler, la question coloniale fait concurrence à l’idée
d’extension de (( l’espace vital )) par une colonisation allemande de
l’Europe de l’Est. C’est ainsi qu’après l’attaque de la Russie en
1941, le groupe d’étude a été dissous. 

L‘Afrique ne rentra dans l’objectif de la politique allemande
qu’au moment de la création de la Communauté économique euro-
péenne et de l’installation d‘un Fonds de développement européen,
une des concessions politiques faites par l’Allemagne à la France
et à la Belgique. Plus tard entra en jeu la doctrine de Hallstein
qui veut empccher l’instauration de relations diplomatiques entre
les nouveaux Etats indépendants africains avec la République démo-
cratique allemande. Mais la politique africaine allemande qui,, selon
les observateurs critiques, n’a jamais existé en tant que telle et
n’existe toujours pas, reste suborponnée à la politique des relations
amicales avec la France et les Etats-Unis. Aucun des chanceliers
fédéraux de l’après-guerre n’a montré un véritable intérêt pour l ’ f i -
que. C’est particulièrement valable pour Adenauer (1949-1963),
Erhard (1963-1966), Schmidt (1972-1982) et Kohl (depuis 1982).
Les représentations diplomatiques allemandes en Afrique ont tou-
jours été de deuxième catégorie. Les visites officielles en Afrique
ont été principalement réservées au Président fédéral ne disposant
que de pouvoirs protocolaires.
Naturellement, il existe aussi en Allemagne des nostalgiques néo-
colonialistes. C’est ainsi que le politicien bavarois Franz-Josef S t r a d ,
dans les années où il tente en vain de devenir chancelier fédéral,
a dêcouvert sa vocation africaine et s’occupe de l’axe anti-
communiste entre Eyadéma, Mobutu et Savimbi et le régime d’apar-
theid en Afrique du Sud. Mais l’influence de ceux qui, pour
n’importe quelle raison, s’intéressent politiquement à l'Afrique, reste
toujours limitée. Même les recherches allemandes en Afrique ne
jouent qu’un rôle subordonné par rapport aux recherches régiona-
les et nationales effectuées sur les autres régions du monde.
Résidus du pass6 colonial en Afrique
E n Afrique, malgré le peu d‘intérêt que les Allemands portent
pour le continent, l’image de l’Allemagne est presque toujours posi-
tive. Le passé colonial allemand est parfois idéalise alors qu’il n’a
pas été plus altruiste et plus favorable au développement que les
15 POLITIQUE AFRICAINE
autres puissances coloniales. On a d’ailleurs avec l’extermination
presque totale des Hereros en Sud-Ouest africain, le premier géno-
cide de la récente histoire coloniale.
Les traces encore visibles du temps de la colonisation allemande
sont peu nombreuses. Dans les capitales de ces anciennes colonies,
on peut encore trouver des vestiges, mais en dehors des campa-
gnes, il n’en existe plus. C’est ainsi que le centre ville de la capi-
tale togolaise, Lomé, possède toujours quelques bâtiments coloniaux
typiquement allemands. Dans les autres capitales des anciennes colo-
nies allemandes, il n’y a plus de vestiges de ce passé. Par contre,
il existe encore quelques lignes de chemin de fer datant de l’épo-
que allemande dont la ligne entre Dar-es-Salam et Kigoma en
Tanzanie.
Les quelques témoins du passé allemand ne. sont plus vivants.
Au Togo les grandes familles telles que Grunitzky, Griiner, Raven,
etc., remontent aux liaisons des colonisateurs avec les femmes du
pays. Même l’ancien gouverneur du Togo, le duc de Mecklenbourg,
avait laissé une descendance portant le nom de Herzog, une trace
bien vivante alors que la branche aristocratique allemande ne veut
rien savoir de ses lointains parents africains. Cadeau fait à son grand-
père par le consul allemand Gustav Nachtigal, le trésor du chef
du Togoville, Mlapa, est toujours montré aux visiteurs. Confor-
mément au premier traité de protectorat de 1884, il se réclame être
le chef suprême du Togo, même si ses réclamations ne sont plus
aussi sérieuses que dans les années 50 où il a mis tous ses espoirs
dans les Nations unies qui n’ont d‘ailleurs jamais répondu à ses
nombreuses démarches.
A côté de ces vestiges dispersés et peu visibles, il existe aussi
des héritages invisibles ou oubliés. Tandis que dans les missions
catholiques, l’élément allemand se mêle à l’internationalité, les mis-
sions protestaptes du temps colonial continuent à maintenir les ;ela-
tions entre l’Eglise protestante allemande et quelques-unes des Egli-
ses protestantes et luthériennes en Afrique. Par l’aide au dévelop-
pement organisée et soutenue paf le gouvernement allemand â tra-
vers les ONG dirigées par les Eglises et les autres organisations,
des liens humains ont été tissés. U n important apport d u temps
colonial allemand est l’encouragement soutenu pour la formation
scolaire primaire et les recherches linguistiques sur les langues du
pays. Mais la Q théorie des Hamites D que reprenaient à leur compte
les premiers ethnologues allemands au Rwanda et au Burundi rap-
pelle fatalement la (< folie aryenne )) des nazis et ne serait pas étran-
gère aux poussées gédcidaires dans ces pays.
16 Attentes africaines de l’Allemagne
Revenons à la politique actuelle : le désintéressement de l’Alle-
magne envers l’Afrique, même dans ses anciennes colonies, est vrai-
ment sous-estimé par les hommes politiques africains. Dans l’effort
de trouver un contrepoids à la puissante influence de l’ancienne
société fiduciaire, le Président togolais a, dans les années 70, compté
sur (( l’amitié germano-togolaise N. Le président rwandais, Habyari-
mana, a essayé dans les années 80 d’obtenir des avantages politi-
ques en comptant sur les étroites relations avec l’Allemagne. Bien
que ses démarches aient été favorablement enregistrées par la poli-
tique étrangère allemande, ses attentes n’ont pas été satisfaites. Il
n’existe aucun traitement de faveur pour les anciennes colonies dans
la distribution de l’aide au développement, ni de soutien politique
important. Les intérêts de la politique africaine étrangère de l’Alle-
magne se b?sent trop souvent sur les bonnes relations avec la
France, les Etats-Unis et l’Angleterre pour qu’elle prenne le ris-
que de provoquer l’irritation de ses principaux partenaires occiden-
taux. Cependant la Tanzanie bénéficie d’un certain traitement de
faveur. En effet, après le socialisme (( nyéréréen )) entraînant des
perturbations dans les rapports et une interruption de l’aide alle-
mande dans les années 70, la Tanzanie occupera, au prorata du nom-
bre d‘habitants, le premier rang parmi les pays bénéficiaires de l’aide
au développement allemande en Afrique subsaharienne.
L’aide au dbvelomement en Afriaue subsaharieme
La part de l’aide au développement allemande dans le cadre
de la coopération bilatérale octroyée à l’Afrique au sud du Sahara
est depuis 1950 d’environ 27 Yo. Ceux qui pensent que cet enga-
gement peut générer des relations économiques surtout pour les
exportations et investissements directs voient leurs espoirs réduits
à néant dans les années 60 et surtout dans les années 70. En 1993,
il n’y a plus d‘investissements directs en Afrique. Les rendements
de transfert vers l’Afrique montrent des résultats négatifs depuis
1991, et Je bilan commercial est tout aussi négatif. Le commerce
avec les Etats entre le Sahara et Limpopo est d‘environ de 0,5 To
du total du commerce allemand. C’est pourquoi l’intérêt économi-
que de l’Allemagne pour l’Afrique noire, à l’exception de 1’Afri-
que du Sud et de la Namibie, est négligeable.
Malgré tout, la part de l’aide au développement pour l’llfrique
.noire n’a pas encore diminué. Indépendamment des intérêts de poli-
tique étrangère et extra-économiques, YAllemagne a fourni l’aide
au développement dans le cadre bilatéral ou multilatéral en la con-
sidérant comme faisant parti de ses obligations vis-à-vis de la société
17 POLITIQUE AFRICAINE
internationale. U n document élaboré par le ministère fédéral de la
Coopération et du Développement en 1993 sur la coopération au
développement en Afrique dans les années 90 montre que celle-ci
est particulièrement liée à des projets bilatéraux dans un programme
multilatéral défini.
Les principaux pays bénéficiaires sont en 1993 le Mozambique
(225 millions de marks), la Zambie (212 millions), la Tanzanie
(1 19 millions), le Zimbabwe (98 millions), le Kenya, l’Ouganda, le
Ghana, le Malawi, l’Éthiopie, le Bénin, le Niger, la Côte-d’Ivoire,
le Rwanda et le Burkina Faso. Dans la même année, la part de
l’Afrique noire est de 28,9 Yo du volume total de l’aide bilatérale
soit de 18,7 90 du volume total d’aide octroyée, qui se situe à
0,36 Yo du BNP, ce qui est très en dessous de ce que donne la
France (0,63 90 de son BNP). I1 est fort probable que les contri-
butions allemandes à l’Afrique au Sud du Sahara, exceptées 1’Afri-
que du Sud et la Namibie, se réduisent encore.
La politique allemande envers l’Afrique noire est déterminée
par l’intérêt pour les matières premières et aussi par l’absence d’inté-
rêt national. Ceci est valable depuis la fin de la guerre froide et
la réunification allemande. Naturellement, ce désintérêt n’est jamais
reconnu officiellement dans les déclarations et publications des diri-
geants politiques. Dans certains pays comme le Nigeria et le Kenya,
l’Allemagne a encore de modestes intérêts économiques, dans
d’autres elle dispose de conseillers militaires allemands. Mais de
facto, la poli5ique allemande est liée à ses plus importants alliés
que sont les Etats-Unis et la France. Cette politique est aussi subor-
donnée à la politique européenne et atlantique. Par ailleurs, l’inté-
rêt du public allemand pour l’Afrique a aussi diminué. Le cercle
de ceux qui s’intéressent et s’engagent pour l’Afrique s’est réduit.
I1 se limite souvent aux anciens volontaires pour l’aide au déve-
loppement et à ceux qui ont des contacts avec les missions catho-
liques et protestantes. I1 n’est pas à prévoir que dans u n proche
avenir l’Allemagne développera un nouvel e t véritable intérêt pour
l’Afrique au Sud du Sahara. Son engagement se limitera B une con-
tribution convenable ou symbolique dans le cadre de l’Union euro-
péenne. La citation de Bismarck en 1888 que nous mentionnions
plus haut garde toujours de sa validité un siècle après. 

Peter M o l t
Uxiversité de Trèves (AllemagweJ


17/11/2011
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