Des curés de l'Eglise catholique de l'archidiocèse de Kinshasa viennent de jeter le pavé dans la marre. Pas plus tard que le samedi 7 janvier, ils ont sonné le ralliement de leurs ouailles pour un véritable soulèvement dans la capitale. Élément déclencheur des attaques " ad hominem " dont aurait été l'objet le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya que nombre de chroniqueurs kinois avaient accusé à la fin de l'année de régler des comptes particuliers à Joseph Kabila, vainqueur de la présidentielle du 28 novembre 2011.

Pour la petite histoire, les curés frondeurs de la capitale sont pratiquement rentrés à Canossa après les dernières saillies anti-kabilistes du Cardinal. Cette nouvelle phalange s'est mise soudain à faire les yeux doux à Laurent Monsengwo que naguère leur chef de file couvrait de ses imprécations. Ainsi, à l'annonce de la décision du Souverain Pontife nommant l'archevêque de Kinshasa au sacré collège, l'ex-enfant terrible de l'archidiocèse de Kinshasa avait déclaré : " ne rien attendre du Cardinal Laurent Monsengwo ". La sortie anti-Kabila du groupe dont il serait un des principaux inspirateurs signe en fait l'acte de leur réconciliation avec Monsengwo.

Laurent Monsengwo paraît très désireux de réussir son examen de passage auprès de ses curés-rebelles qui lui en ont fait voir de toutes les couleurs. Même si cela doit se traduire par une confrontation aussi bien identitaire que confessionnelle. (Joseph Kabila est un fidèle protestant pratiquant et entretient de très étroites relations avec l'Eglise kimbaguiste). Casse-cou !

Les dernières cacophonies enregistrées dans l'organisation des élections générales du 28 novembre 2012 semblent avoir offert au prélat une occasion en or pour consolider une stratégie de déstabilisation qu'il déploie depuis son avènement à la tête de l'archidiocèse de Kinshasa. De petites phrases contre « un pouvoir qui ne cherche pas le bien du peuple » à la charge de cosaque contre la réforme constitutionnelle instituant une élection présidentielle à un seul tour qui " permettra que le Président soit élu même avec 20% des suffrages", le prélat n'a eu de cesse de décocher des flèches au vitriol contre le Président Joseph Kabila.

La victoire confirmée de Joseph Kabila à la présidentielle semble avoir décuplé la détermination du locataire du Centre Lindonge à faire mordre la poussière à sa bête noire. Tout feu, tout flammes, le Cardinal était monté au créneau pour dénoncer le caractère " contraire  à la justice et à la vérité " des résultats provisoires proclamés par la Ceni et créditant Joseph Kabila de 48,99 % de suffrages. Dans un entretien avec la Rtbf, il alla jusqu'à proclamer Etienne Tshisekedi " porteur du plus grand nombre de voix ". Quiconque connaît la haine quasi-viscérale que se vouent les deux hommes comprendra qu'en réalité le prélat et ses amis ne cherchaient rien moins qu'à instrumentaliser la fougue légendaire du demi-dieu de l'Udps pour le pousser à la faute, dans l'espoir d'une répression " disproportionnée " du camp Kabila pouvant permettre aux bons amis de la communauté internationale (occidentale) de neutraliser les deux meilleurs scores de l'élection présidentielle du 28 novembre.

Le chemin serait ainsi grandement balisé pour la réédition du schéma dit de la " troisième voie " incarné aujourd'hui comme au milieu des années '90 par Léon Kengo Wa Dondo, lorsqu'il réussit à damer le pion à Tshisekedi pour de nouveau occuper  la primature. Du déjà vu donc. En s'en prenant avec une sauvage brutalité à l'Honorable Léon Kengo Wa Dondo le 31 décembre dernier à la Gare du Nord à Paris, les extrémistes tshisekedistes ont montré qu'ils avaient compris la manœuvre et n'entendaient guère se laisser faire.

Cette agitation ne suffit pas pour amener à réminiscence le pasteur de l'Eglise catholique de Kinshasa. La Ceni et son vice-président, le juriste Djoli, eurent beau lui faire remarquer que les chiffres qu'il avait brandis à l'appui de ses allégations contre l'élection de Kabila étaient tout sauf corrects, rien n'y fit. Les médias qui osèrent signaler que le prélat qui s'était lourdement appuyé sur un rapport du Centre Carter avait "oublié" la conclusion dudit rapport selon laquelle les irrégularités signalées n'étaient pas de nature à remettre en cause l'ordre des résultats tel que proclamés par la Ceni, se firent presque excommuniés par la phalange de nouveaux convertis ultra zélés qui se sont même permis de livrer à des gros bras des combattants « udpsistes » un cameraman de la Rtga, accusé d'avoir une ligne éditoriale pro-Kabila. Ô tempora ! Ô mores !

Le moins paradoxal n'est pas que les curés-flingueurs de Kinshasa aient choisi le moment où leur nouvelle idole, revenu au pays après un voyage éclair à Rome qui lui a permis de justifier autrement que par un boycott polémique son absence à la cérémonie d'investiture de Kabila, prêchait " urbi et orbi " le pardon des offenses et la réconciliation des Congolais pour lancer une croisade contre le régime " illégitime " (sic !) dont les partisans ont osé critiquer l'archevêque.

Déjà l'imprimatur ?

Doit-on vite conclure que le cardinal Laurent Monsengwo a déjà donné son imprimatur à cette crise politique que ses lieutenants tentent de susciter ? Serait-on en droit de dire que le prélat s'est laissé déborder pour ne pas perdre à nouveau les plus extrémistes d'entre eux ? Ce questionnement n'est pas dénué d'intérêt dans la mesure où il  permet de mieux jauger le sens du respect de la parole donnée et la capacité à se réconcilier d'un prélat qui ne dédaigne pas de distribuer bons et mauvais points à la classe politique.

Jérôme Nzala/Forum des As