Bon nombre de députés de l’Opposition proches de l’Udps s’estiment non concernés au motif que ces législatives ont fait l’objet d’une décision d’annulation prise par le « président de la République »  Etienne Tshisekedi, autoproclamé et auto-investi le 23 décembre 2011. Or, le lider maximo s’est engagé à respecter la Constitution et les lois du pays.

Ces textes ne confèrent pourtant ni au chef de l’Etat, ni au parlement ou au gouvernement, moins encore à l’Eglise ou aux partenaires extérieurs le droit d’annuler un scrutin électoral, fut-il une débâcle ou un chaos. La responsabilité de le faire incombe aux Cours et Tribunaux seuls. C’est aussi cela, l’Etat de droit…

En termes clairs, Joseph Kabila ou Etienne Tshisekedi, peu importe son statut ou sa stature, ne peut nullement procéder à l’annulation des élections. A moins du fait de prince, la marque déposée de toute dictature.

Connue sous le vocable « loi électorale », la loi n°11/003 du 25 juin 2011 modifiant la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales détermine à son article 75 les juridictions compétentes pour connaître le contentieux électoral. Au nombre de trois, il s’agit, respectivement, de la Cour constitutionnelle pour les élections présidentielle et législatives, de la Cour administrative d’appel pour les élections provinciales et du Tribunal administratif pour les élections urbaines, communales et locales.

L’article ajoute, en ce qui concerne l’annulation partielle ou totale, que l’une ou l’autre de ces juridictions, chacune pour scrutin relevant de ses prérogatives, « peut annuler le vote en tout ou en partie lorsque les irrégularités retenues ont pu avoir une influence déterminante sur le résultat du scrutin ». Et l’article 76 de donner cette précision importante : « La décision d’annulation des élections est immédiatement signifiée aussi bien à la Commission électorale nationale indépendante qu’aux parties intéressées ». Ce qui revient à dire que même la Céni ne peut, d’elle-même, annuler des élections.

Ceci est d’autant vrai que des 14 attributions constituant sa mission, aux termes de  l’article 9 de la loi organique n°10/ 013 du 28 Juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante, aucune ne lui donne l’autorité de le faire. Pour en avoir le cœur net, voici ces attributions :

  1. organiser et gérer les opérations pré-électorales, électorales et référendaires notamment l’identification et l’enrôlement des électeurs, l’établissement et la publication des listes électorales, le vote, le dépouillement, la centralisation et l’annonce des résultats provisoires,
  2. transmettre les résultats provisoires à la juridiction compétente pour proclamation des résultats définitifs,
  3. passer des marchés afférents aux opérations pré-électorales, électorales et référendaires conformément à la législation en vigueur,
  4. contribuer à l’élaboration du cadre juridique relatif au processus électoral et référendaire,
  5. élaborer les prévisions budgétaires et le calendrier relatifs à l’organisation des processus électoraux et référendaires,
  6. vulgariser en français et en langues nationales les lois relatives au processus électoral et référendaire,
  7. coordonner la campagne d’éducation civique de la population en matière électorale, notamment par la réalisation d’un programme d’information et de sensibilisation des électeurs en français et en langues nationales,
  8. assurer la formation des responsables nationaux, provinciaux et locaux chargés de la préparation et de l’organisation des scrutins électoraux et référendaires,
  9. élaborer et vulgariser un code de bonne conduite et des règles de déontologie électorale,
  10. découper les circonscriptions électorales au prorata des données démographiques actualisées,
  11. déterminer et publier le nombre et les localisations des bureaux de vote et de dépouillement ainsi que ceux des centres locaux de compilation des résultats par circonscription électorale,
  12. veiller à la régularité des campagnes électorales et référendaires,
  13. examiner et publier les listes des candidats,
  14. accréditer les témoins, les observateurs nationaux et internationaux.

 Acceptation ou rejet
 
Au regard de la loi électorale et de la loi instituant la Céni, c’est donc aux Cours et Tribunaux que revient la responsabilité d’annulation d’un scrutin électoral donné.

Or, un acteur politique, en la personne d’Etienne Tshisekedi, a usé de ses « prérogatives présidentielles », acquises par voie d’auto-proclamation et d’auto-investiture,  pour annuler les législatives du 28 novembre 2011. Il est déjà soutenu dans cette dérive par d’autres acteurs politiques dont la majorité, issue de ces élections, se constitue de députés nationaux de son obédience. C’est-à-dire, aux termes de l’article 100 de la Constitution, des hommes et des femmes appelés, une fois en fonction, d’abord à initier et à voter des lois (législateurs), ensuite à contrôler le Gouvernement, les entreprises et les services publics. Bref, des « garants de l’Etat de droit » !

Juste pour la blague : la présidentielle et les législatives ont été organisées dans les mêmes circonstances de lieu et de temps. Ce qui laisse entendre que s’il y a eu irrégularités flagrantes comme le laissent entendre le lider maximo et ses proches, la conséquence logique est soit l’acceptation, soit le rejet de tous les résultats dans leur ensemble ! De ce fait, Etienne Tshisekedi ne devrait jamais considérer qu’il a été, lui, très bien élu par le peuple, tandis que les siens sont, eux, mal élus par le même peuple.

Quand on sait, déjà, qu’il n’a jamais su à combien de pourcentage il a été élu (il avance 75 % pendant que les siens lui en attribuent 54), et quand, en plus, il se retient depuis le 29 novembre 2011 de brandir les chiffres des témoins que son parti dit avoir déployés sur toute l’étendue du pays (sic), c’est qu’il y a problème.

Ce que l’on se doit déjà de retenir, c’est qu’au nom des libertés fondamentales, les partis, regroupements et personnalités politiques, les princes de l’Eglise catholique romaine, les activistes des ONG, les syndicalistes, les professionnels des médias proches de l’Opposition sont en droit de réclamer l’annulation des élections. Ils peuvent, à cet effet, utiliser les moyens de pression comme les marches, les sit-in, les pétitions, voire le dialogue. Mais, ils ne doivent pas perdre de vue que la loi confie la responsabilité de l’annulation aux seuls Cours et Tribunaux. Plus précisément à la Cour suprême de justice faisant office de Cour constitutionnelle, s’agissant de la présidentielle et des législatives nationales.

Et en cette matière, il y a une procédure : le contentieux électoral.
 
Tabula rasa… ?
 
Seulement voilà : le contentieux électoral ne peut être valable que lorsqu’il implique le Bureau de la Céni. L’article 33 de la loi instituant cette institution est assez clair : « En cas de recours portés devant la juridiction compétente pour connaître des contentieux électoraux ou référendaires, la CENI apporte au juge tous les éléments d’information dont elle dispose, accompagnés éventuellement des observations qu’elle souhaite formuler relativement aux faits évoqués dans le recours et de ses appréciations quant à l’application des dispositions légales en vigueur. Elle défère dans les délais fixés par le juge aux demandes d’informations complémentaires que celui-ci lui adresse. Elle peut se faire représenter aux audiences par un agent dûment mandaté », dispose-t-il.

Question à un sou : en réclamant concomitamment l’annulation des élections et la démission du Bureau de la Céni, comment va-t-on procéder pour que la juridiction compétente se prononce en conséquence ?

A moins d’opter pour la politique « tabula rasa », toutes les issues sont bloquées.

Comme tous les chemins mènent alors à Rome, toutes les contestations raisonnables ne peuvent mener qu’aux Cours et Tribunaux.

C’est cela aussi, et surtout l’Etat de droit…

Pendant que l’on y est, figurons-nous qu’en lieu et place de Tshisekedi, ce soit Kabila qui ait annulé les élections ! On image le tollé que cela aurait soulevé. Figurons-nous encore qu’en lieu et place de Kabila, ce soit la Céni qui l’aurait fait ! Assurément, les avocats de l’Opposition auraient sorti la grosse artillerie pour pulvériser le Bureau Ngoy Mulunda.

Pourquoi alors l’exception Tshisekedi ?

La seule explication est celle d’une Opposition effrayée d’aller aux affaires avec, à sa tête, un leader à l’aise dans la critique, mais non-compétent dans l’art.
 
Omer Nsongo die Lema