Huit jours après la validation de mandats des députés nouvellement élus, Adolphe Muzito sort par la grande porte, après avoir passé près de 3 ans et 5 mois à la tête de l’exécutif congolais.

La question de cette fin d’exercice du gouvernement Muzito a alimenté la chronique politique dans le pays avec toute la pression qui a pu être exercée ces derniers jours sur ceux qui paraissaient se complaire dans le mandat en prolongation hors norme de cet exécutif. Les concernés ont dû accepter de se rendre à l’évidence.

Le week-end déjà, le Premier ministre s’est fait violence en convocant dare dare ses ministres pour leur signifier la fin de la fête et l’impératif de préparer les dossiers en vue, au bout du compte, de la remise et reprise avec les successeurs attendus prochainement. Restait l’acte officiel de ce bouclage des comptes.

C’est à cette fin que, plus de trois mois après les élections législatives de 2011, le Premier ministre Adolphe Muzito est allé présenter mardi la démission de son gouvernement au président Joseph Kabila qui en a pris acte. Il a été annoncé aussitôt après une première disposition pour assurer l’intérim du chef du gouvernement démissionné avec la désignation de M. Louis Koyagialo comme Premier ministre intérimaire.

Les personnalités qui vont être appelées à assurer l’intérim des autres ministres démissionnaires seront désignées incessamment. La procédure suivie a été présentée comme normale par le porte-parole du gouvernement qui a indiqué que « Nous sommes à la fin de la législature, donc le Président doit pouvoir avoir les mains libres pour créer un nouveau gouvernement ».

Un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras ». Le Premier ministre a choisi de l’exprimer au bureau provisoire de l’Assemblée nationale. Siéger à la chambre basse du Parlement est un acquis ; garder le fauteuil aujourd’hui très sollicité et convoité de la Primature est incertain.

Jusqu’au bout, Joseph Kabila a été respectueux des engagements. La démission d’Antoine Gizenga avait consacré l’arrivée d’Adolphe Muzito, ministre du Budget d’alors, depuis vendredi 10 octobre 2008. Et malgré diverses failles, l’Accord Amp-Palu-Udemo a été préservé, bien que le parti cher à Mobutu Nzanga ait fait naufrage.

Muzito a fini par opter pour le siège parlementaire

Tout est subitement allé très vite. Le Premier ministre Adolphe Muzito a réuni, le samedi 3 mars denier, à l’Hôtel du gouvernement, les ministres et autres membres du gouvernement à qui il a transmis des instructions claires en vue de préparer les différentes étapes de la fin de la législature 2006. Et cela, pour l’institution gouvernement qu’il dirige.

Cependant, il n’y avait plus de doute. Le gouvernement de la République démocratique du Congo était réputé démissionnaire. Dans une correspondance adressée au bureau provisoire de l’Assemblée nationale, Adolphe Muzito préfère quitter la tête de l’exécutif pour son siège à l’Assemblée nationale. Dieu seul connaît les mobiles de ce repli stratégique. Après 3 ans et 5 mois, Adolphe Muzito quitte donc la Primature de la République démocratique du Congo dans les heures qui suivent. Le Premier ministre sort par une grande porte, après avoir gagné haut la main un siège de député dans la circonscription de Kikwit, province du Bandundu. Toutefois, en attendant son successeur jugé oiseau rare dans les secrets des dieux, Muzito et toute son équipe avec lui se chargeront d’expédier les affaires courantes ; continuité de l’Etat oblige.

Braver l’incompatibilité

Entre le parlement et le gouvernement, le choix est clair. L’exercice des fonctions au sein de ces deux institutions est incompatible et le chevauchement inadmissible. Après vérification et validation des mandats, les honorables députés nationaux qui sont frappés par les articles 77 et 78 de la Loi électorale ont eu 8 jours pour opérer le choix. Le compte à rebours avait commencé le mardi 28 février dernier.

Le Président du bureau provisoire, l’honorable Nkombo Nkisi Timothée avait procédé à la mise en place de la Commission devant rédiger le Règlement d’Ordre Intérieur de l’Assemblée nationale. Cette commission de 55 membres est le reflet de 11 provinces qui composent la RDC, à raison de 5 membres par province. Elle a eu essentiellement trois missions à savoir : la mise sur pied de la commission devant amender ou modifier le règlement d’ordre intérieur précédent, la rédaction du règlement intérieur et l’adoption et examen du règlement Intérieur.

C’est donc au regard de toutes ces lois, reposant sur la loi fondamentale que l’honorable Nkombo Nkisi Timothée avait ensuite attiré l’attention des honorables qui venaient d’être validés et ceux qui occupent encore un mandat incompatible à celui du parlement, c’est-à-dire, le Premier ministre, les ministres, les vice-ministres, les sénateurs, les gouverneurs, les députés provinciaux, etc. ont l’obligation d’opérer un choix.

Le ministre de la Communication et des Médias, porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, qui s’est confié à la presse à l’issue de la réunion, a dit qu’après l’installation des institutions Président de la République et Assemblée nationale, l’heure est venue pour l’exécutif national de se préparer et de céder la place au gouvernement de la législature 2011.

Il a assuré que l’opinion sera fixée d’ici à mardi sur la position de différents ministres élus députés nationaux d’opter soit pour siéger à l’Assemblée nationale, soit pour continuer à œuvrer au sein de l’exécutif national. M. Mende a précisé, en réponse à une question de la presse, que toutes les étapes conduisant à la sortie du gouvernement de la législature 2006 seront respectées, conformément aux dispositions constitutionnelles. Et comme il échet, et en attendant maintenant le verdict de la Cour suprême de justice, la représentation nationale dont la mission est de défendre les intérêts de la population s’est d’ores et déjà jetée à l’eau. Elle est appelée à porter haut les ambitions pour une jeune nation et ce mandat sera placé sous le signe des réformes qui doivent conduire à l’amélioration des conditions de vie de la population.

Choix stratégique

Si le Premier ministre Adolphe Muzito a décidé d’aller à l’Assemblée nationale, laissant derrière lui le confort de la Primature, cette pomme de discorde qui éventre les ambitions démesurées des politiques tant de la majorité que de l’opposition, c’est un repli stratégique et mille fois mûri par l’élu de Kikwit et tout son parti politique.

De prime abord, le bilan d’Adolphe Muzito, s’il faut en dresser un, est largement mitigé. Cela va de soi. Tous ne sont jamais de même avis dans ce domaine. La théorie d’un verre à moitié vide ou à moitié plein trouvera bien d’adeptes. Et même les plus pessimistes balayent tout d’un revers de la main. Mais la vérité est qu’au regard des misions assignées à son gouvernement, le premier ministre sortant ne manquera pas de dresser un bilan qui soit le plus indiscutable, présentant et l’actif et le passif pour un pays que le Palu a géré depuis 2006.

D’autre part, certains détracteurs du premier ministre sortant reconnaissent que le PALU étant descendu plus bas qu’en 2006 lors des élections, et que les anciens accords ayant fait leur temps, les enjeux ne sont plus les mêmes pour que le président de la République ramène la primature au parti cher à Antoine Gizenga. Il est bien d’autres partis politiques qui se sont distingués. Et la liste est encore longue pour que tous ceux qui ont accepté de mouiller leurs maillots pour Joseph Kabila retrouvent les uns après les autres leurs comptes. C’est là qu’Adolphe Muzito aurait vu juste.

Un siège acquis à l’Assemblée nationale ne s’arrache guère comme la Primature. Et comme les romains se poignardent pour obtenir la Primature, chacun pour des raisons qui lui sont propres, il est aussi fort possible que les choses ne soient pas aisées dans ce choix difficile mais pas impossible pour Joseph Kabila qui connaît bien qui est avec lui et qui est capable de relever les défis de son nouveau quinquennat.

Troisième force politique de la RDC, le Palu avait conclu un accord en 2006 avec M. Kabila, alors arrivé en tête du premier tour de la présidentielle. En vertu de cet accord, la primature devait revenir au Palu, en échange du soutien de ce parti à M. Kabila pour le second tour de la présidentielle.

L’Avenir/MMC