Or, c’est pendant cette période précise qu’ils se devaient de le faire, étape par étape. Hélas !, en dehors de Léon Kengo, qui a publié à Kinshasa le sien sous la dénomination « 100 PROPOSITIONS POUR CHANGER LE CONGO » inspirées, selon ses termes, du programme commun de l’Opposition aile Sultani (à laquelle appartient Kamerhe), les trois autres candidats majeurs (Tshisekedi, Mbusa et Nzanga) sont évasifs.

C’est à la manière du Petit Poucet qu’ils sèment des pierres, pardon des promesses, le long de leurs parcours. Avec conséquence évidente : on ne sait plus où commence et où se termine le programme de gouvernement ! Preuve, une fois de plus, que du 22 septembre 2006 (date de formalisation de la Majorité et de l’Opposition au sein de l’Assemblée nationale), des candidats comme Tshisekedi et Kengo ne se sont jamais préoccupés de préparer l’alternance démocratique au pays. Surtout pas Kamerhe.  Vraisemblablement, des forces internes et externes les ont poussés à se jeter à l’eau, et c’est le naufrage garanti. Tenez !

* Tshisekedi relance la victimisation des années 1990

A l’enclenchement du processus démocratique en avril 1990, l’Udps porte les espoirs de tout un peuple. Tout le monde sait que le parti, condamné jusque-là à la clandestinité, a un projet de société différent de celui du Mpr, le célébrissime Manifeste de la Nsele datant de 1967, manifeste ayant pour coauteur un certain Etienne Tshisekedi.

Au fil des jours, on découvre que la « fille aînée de l’Opposition » n’a, en réalité, pas de programme de gouvernement, tout au moins celui autour duquel il y a adhésion au sein du présidium. Car, devenu deux fois Premier ministre dans le cadre respectivement des Accords du Palais de Marbre I (septembre-octobre 1991) et de la Cns (août 1992), Etienne Tshisekedi surprend tout le monde lorsque, en réponse à la question de savoir s’il a un programme de gouvernement, il déclare l’attendre du…peuple !

Les partenaires extérieurs en sont décontenancés.

Ainsi, du 24 avril 1990 au 17 mai 1997, l’Udps aura la victimisation pour programme à la fois de lutte et de gouvernement : marches, sit-in, journées « ville-morte », diabolisation, exclusion, auto-exclusion, arme monétaire et même pillage du tissu économique et social tiendront en haleine les acteurs et les partis politiques, le patronat, les syndicalistes, les églises, les défenseurs des droits de l’homme, les médias etc., si bien que l’on parlera de transition conflictuelle. Le comble de désastre sera le fait que le monde entier se retrouvera avec une première mondiale : un Premier ministre-chef du gouvernement à la fois chef de l’Opposition !

L’observateur averti a, aujourd’hui, le loisir de le constater : depuis l’annonce par Etienne Tshisekedi de sa participation à l’élection 2011, la victimisation des années 1990 est relancée. Il suffit de suivre l’évolution de la température en fonction des enjeux.

La pression commence premièrement avec l’annonce de l’amendement de la Constitution consistant à passer de deux tours à un.

Deuxièmement, avec la désignation des membres du Bureau de la Céni.

Troisièmement, avec l’annonce du calendrier et du démarrage des opérations de révision du fichier électoral. D’où la série des manifestations de « jeudi » qui consistent à jouer au chat et à la souris avec la Police nationale.

Quatrièmement, la pression détournée de la Céni pour se focaliser sur l’Autorité de l’aviation civile avec la fameuse histoire des avions et hélico affrété. Tirant à la fois sur la Majorité et sur l’Opposition aile Sultani, l’Udps, ou plutôt Tshisekedi en vient même à s’autoproclamer Président de la République, avec comme première action du programme de son gouvernement l’ordre donné aux combattants de libérer les camarades prisonniers et de poursuivre jusque dans les casernes les agents de l’ordre qui s’y opposeront, de les corriger même devant femmes et enfants !

Entré en campagne en retard, sans matériel électoral conséquent (à Kisangani, Goma et Bukavu où je suis passé, je n’ai rien vu de convaincant), Tshisekedi ne parvient toujours pas à présenter son vrai programme de gouvernement ! Son discours de campagne est tellement incohérent qu’à Butembo, il promet d’amener la RDC au niveau de l’Afrique du Sud et des Etats-Unis en une année seulement…

On en vient, tout naturellement, à se poser la question de savoir qui de Joseph Kabila, d’une part, et d’Etienne Tshisekedi, d’autre part, a envie de voir les choses se gâter ! Hélas ! depuis le 24 avril 1990, le lider maximo a la réputation d’être fort en critique, mais nul en art. C’est en cela qu’au cours de ces 21 dernières années, il n’a jamais été prêt à s’engager dans une alternance crédible.

* Kengo et Kamerhe promettent ce que Kabila fait déjà !

« Les 100 propositions que je soumets à mon Peuple sont le fruit d’une longue réflexion nourrie par plusieurs années d’expérience dans la gestion de notre Pays. Elles s’inspirent du Programme commun de gouvernement élaboré à l’Hôtel SULTANI. Elles seront étoffées et enrichies par les contributions de tous et de chacun, dans le cadre de notre Plate-forme ou dans le cadre des consultations régulières avec notre Peuple ».

Ces propos sont de l’Ufc Léon Kengo, candidat n°7, tenus le samedi 5 novembre 2011 à « Roméo-Golf » de Kinshasa à l’occasion de la présentation de son programme de gouvernement. Ce programme, pour rappel, a été conçu et approuvé notamment par l’Unc Vital Kamerhe et le Mlc Thomas Luhaka. L’Envol Delly Sessanga a émis des réserves au motif qu’il s’agit d’un programme non chiffré !

Pour l’histoire, le Mlc avait rejeté en son temps le programme de gouvernement présenté par le Premier ministre Antoine Gizenga au même motif. Pour l’histoire encore, Vital Kamerhe a attendu son passage de la Majorité à l’Opposition pour révéler que l’Amp n’avait pas de programme de gouvernement au premier tour de la présidentielle de 2006 !

Or, voilà que le candidat Léon Kengo apparaît avec un programme intitulé « 100 PROPOSITIONS POUR CHANGER LE CONGO », exactement comme le candidat Joseph Kabila en 2006 avec ses « 100 PROPOSITIONS POUR UN CONGO NOUVEAU » ! Le vocable « 5 Chantiers » a été lancé dans le cadre du second tour.

Kamerhe aurait-il refilé à Kengo la recette ?

On ne peut se risque de l’affirmer. Mais ce qui est au moins vrai, c’est que les deux hommes ont commencé à collaborer depuis 1988. Sous le régime Mobutu ! Voici comment : deux fois, Léon Kengo a compté sous Mobutu parmi ses collaborateurs Vital Kamerhe. La première fois, c’est, respectivement, de 1988 à 1990 d’abord en qualité de coordonnateur de la Cellule d’études de planification de l’Enseignement supérieur et universitaire, ensuite de Conseiller économique et financier au Ministère des Mines et Energie. La seconde fois, c’est en 1994 en tant que Coordonnateur du Cabinet du 1er Ministre et de 1994 à 1995 comme Directeur de Cabinet au Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire.

On peut dire de ces deux hommes qu’ils se connaissent tellement qu’ils en sont venus à se comparer à Lula da Silva du Brésil ! Seulement voilà : Léon Kengo wa Dondo, membre éminent du Mpr-Parti Etat (avant avril 1990) ou patron de l’Udi (après avril 1990), est intimement lié aux multiples programmes d’ajustement structurel ayant fait de lui, à un moment donné, le meilleur élève du Fmi et de la Banque mondiale. Simplement parce qu’il privilégiait le service de la dette extérieure au détriment des populations. C’est étrange qu’il ne se souvienne plus des ravages de sa politique.

A l’entendre, il préconise dans son programme, notamment, « de l’emploi pour tous dans la justice distributive, un enseignement pour tous et à moindre frais et la santé pour tous d’ici à l’horizon 2016 ».

Prenons, dans un premier temps, ce volet social. Qui, finalement, est à la base de la compression d’emplois dans les services publics recommandée par Bretton Woods ? C’est lui. Qui, finalement, est à la base de la « désocialisation » des entreprises publiques, obligées d’élaguer des écoles et des hôpitaux ? C’est encore lui !

Pour l’Emploi, voici ce qu’il dit, et Kamerhe approuve sans doute : « Je propos ensuite le lancement, et ce dès la première année de mon mandat, de plusieurs projets à haute intensité de main-d’œuvre : tels que la réfection des routes de desserte agricole par des équipes de cantonnage manuel ; l’assainissement et le reboisement des villes et cités ; le curage des rivières et ruisseaux urbains ; le dragage des voies navigables et des ports ;  la réhabilitation des équipements collectifs par une politique de concession des services publics (parcs, stades, marchés, ports et aéroports, bacs, ponts) ; la reforestation des espaces notamment dans les zones soumises à l’érosion ; la réhabilitation des périmètres maraîchers autour des grandes agglomérations urbaines ». Trouve-t-on une différence significative avec l’emploi dont sont générateurs les 5 Chantiers ? Aucune !

Le candidat Kengo poursuit, et le candidat Kamerhe ne peut qu’approuver : « Au plan des infrastructures, il nous faudra au moins une université par province, des écoles primaires et secondaires effectivement subsidiées ainsi que des centres de formation professionnelle et technique dans toutes les provinces ».

Trouve-t-on une différence significative avec ce que fait déjà le candidat Joseph Kabila dans sa fonction de président de la République, dans le cadre des 5 Chantiers ? Aucune !

Le candidat Kengo continue, et le candidat Kamerhe ne peut pas ne pas approuver : « Le Gouvernement s’engage à soutenir toute initiative tendant à l’accroissement de la production des biens et des services. Dans cette perspective, l’agriculture sera effectivement la priorité des priorités, pour atteindre l’autosuffisance alimentaire, mieux, la sécurité alimentaire. Le secteur minier ne sera pas en reste. D’ailleurs, je me propose de relancer toutes les activités industrielles et minière longtemps laissées à l’abandon (la GECAMINES, la MIBA, etc.) ».

Trouve-t-on une différence significative avec ce que fait déjà le candidat Joseph Kabila dans sa fonction de président de la République ? Aucune !

Le candidat Kengo renchérit, et le candidat Kamerhe y donne sa caution : « L’eau, l’électricité, les infrastructures seront l’autre priorité des priorités. Elles appelleront des réformes profondes de la REGIDESO, de la SNEL, de l’Office des Routes, de l’OVD, etc. ».

Trouve-t-on une différence significative avec ce que fait déjà le candidat Joseph Kabila dans sa fonction de président de la République, dans le cadre des 5 Chantiers ? Aucune !

Là où, cependant, Kengo et Kamerhe ne sont pas en communion avec Kabila, c’est dans le découpage des pools. Les candidats n°7 et 5, selon les « 100 PROPOSITIONS POUR CHANGER LE CONGO », conçoivent « un plan de développement intégré de l’espace national, lequel sera subdivisé en quatre pôles économiques : 

« Le Grand Ouest, qui comprendra Kinshasa, Bandundu, Bas Congo et l’Equateur ; 
« L’Est, qui regroupera le Sud-Kivu, la Province Orientale et le Maniema ; 
« Le Centre, composé du Kasaï Oriental et du Kasaï Occidental ainsi que le Sud, qui comprendra à lui seul le Grand-Katanga actuel.

Ce plan inclura également la possibilité de création des Zones Economiques Spéciales (ZES) pour attirer des investissements industriels » . Un média électronique, CongoVision pour ne pas le citer, y voit un plan de déstabilisation du pays. Il a raison parce que ce découpage n’intègre pas le Nord-Kivu !
 
Faiseurs de promesses et faiseur des réalisations
 
Comment on peut s’en rendre compte, le programme de gouvernement de Sultani Hotel – engageant l’Ufc, l’Unc et le Mlc n’est pas tellement différent du programme de gouvernement que Joseph Kabila est en train de réaliser dans le cadre des « 5 Chantiers ».

La question de bon sens est dès lors de savoir pourquoi et comment qualifier les faiseurs de promesses au détriment du faiseur des réalisations ! Au regard de ce qui précède, la déduction faite pour le candidat n°11 (Etienne Tshisekedi) est tout aussi valable pour les candidats n°5 et 7 : manifestement, Kengo et Kamerhe ne se sont pas non plus préparés pour une alternance crédible.

Omer Nsongo die Lema/MMC