Donnés dans les sondages pour les plus sérieux outsiders de Kabila, Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe ne savent plus sur quel pied danser. Leur campagne peine à trouver le ton et surtout à décoller. Elle est si terne, si grise qu’elle commence à passer inaperçue. Seule la cacophonie politique semble donner des couleurs à la campagne de ces deux leaders de l’Opposition macrita dans la course à la présidentielle. A Kisangani, l’arrivée tardive de Tshisekedi, qui n’a eu le temps de présenter ses excuses à la population pour le désagrément, avant de s’envoler pour Kinshasa, trahit les faiblesses de son état-major.

Si on la compare à celle plus animée et flamboyante de Kabila, la campagne de Tshisekedi, attendu ce vendredi 11 novembre pour un meeting au stade des Martyrs de Kinshasa, et de Kamerhe, en tournée dans le Bandundu, est morne. A la base : les difficultés financières et logistiques d’une part et l’impréparation des candidats de l’autre. Tshisekedi et Kamerhe semblent n’avoir pas pris les choses au sérieux. Les indices étaient perceptibles dès les premiers jours de la campagne. Alors que Kabila avait déjà inondé la presse et les espaces réservés à la publicité dans les principales artères du pays, ses « plus sérieux » concurrents étaient inaudibles. 

Ni leurs panneaux, ni leurs affiches moins encore leurs banderoles n’étaient visibles. Si Tshisekedi s’est réveillé avec une trentaine de panneaux géants dans la capitale et des spots sur les antennes des télévisions de son obédience, notamment RLTV de Roger Lumbala et CNTV d’Alexis Mutanda, son directeur de campagne et candidat à la députation nationale à Mbuji-Mayi, Kamerhe est encore absent dans les rues de la capitale. Ses affiches sont rares parmi les quadritatères. A peine une banderole aperçue à l’Ouest de la capitale et quelques affichettes. La couverture médiatique assurée pour son compte par la télé Canal Futur est modeste et ses équipes rares sur terrain. La campagne n’a donc jamais vraiment décollé pour Tshisekedi et Kamerhe bien que le débat autour des avions du premier et les déboires du second aient quelque peu réussi à raviver l’attention. Selon certaines indiscrétions, Kamerhe éprouve des sérieux soucis financiers. Il attendait une manne de la part des donateurs qui n’ont pas tenu parole.

Il est entré dans l’arène à partir de la province de Bandundu, où des échauffourées ont été signalées. Son meeting à Kikwit a viré au drame. Bilan: 2 morts. Quelques heures auparavant, le même Kamerhe Kanyingi Nyingi s’était fait caillouter proprement dans un Masimanimba tout acquis à la cause de Bakala ya Ngolo, le député Kin-kiey Mulumba dont le cortège avait précédé de quelques minutes celui de l’ancien cadre du PPRD. Là aussi, on fait état d’un mort dans les rangs des partisans de Jean Kimbunda, ancien gouverneur de la ville de Kinshasa et candidat à la députation nationale dans la même ville de Masimanimba. Le gouvernement provincial a lancé une enquête pour établir les responsabilités.

Mais les proches de Kamerhe évoquent un attentat manqué et accusent la Communauté internationale de partialité. Ils font ainsi allusion, à la condamnation unanime de l’appel à la violence fait par Tshisekedi le dimanche 6 novembre en Afrique du Sud. Faux-fuyant ? Peut-être. S’ils ne font pas l’économie, d’énergie et des moyens en vue du sprint final, les ténors de l’Opposition paraissent n’avoir pas cru au processus électoral. Illustration : le manque de sérieux du candidat Tshisekedi. Alors que son programme prévoyait un transit à Kisangani avant la production de ce vendredi 11 novembre au stade des Martyrs. Tshisekedi est arrivé à Kisangani tard dans la nuit. La mobilisation n’était pas vraiment au rendez-vous quoique des ténors de la plate-forme Soutien à Etienne Tshisekedi – SET – et de la Dynamique Tshisekedi Président – DTP – aient fait le déplacement de la ville-martyre. « On dirait qu’il y a désorganisation dans la confection du programme », se lamente-t-on.

Désorganisation ou pas, Kisangani ne pouvait pas ressembler au Katanga. L’antagonisme entre deux ailes rivales de la Fédération de l’UDPS/Province Orientale est un facteur démobilisateur. Il y a peu une rixe entre deux chefs autoproclamés de la Fédération du parti, un certain Ramazani Muniewe et un certain Bauvie, non autrement identifiés, a provoqué la mort d’un homme, tué par arme blanche. Pas évident de réunir du beau monde et d’espérer un bain de foule dans un climat aussi délétère. Pendant ce temps leur colistier Joseph Kabila candidat président à sa propre succession se tape une véritable promenade de santé à travers le pays, écumant montagnes et savanes, reçu parfois comme il n’en avait jamais été le cas auparavant. Bien plus le déploiement des moyens est évident. Tantôt Kabila est au volant de sa 4x4, en compagnie de son épouse et de son dernier fils.

LDK-Junior, surnommé son Directeur de campagne pour aller à la rencontre des populations du Congo profond -il en a l’habitude-, tantôt il emprunte un hélicoptère comme à Baraka où il a reçu Jean Ping, le président de la commission de l’Union africaine. Et le discours suit. Jamais candidat ne s’était révélé aussi sérieux, se refusant jusqu’à citer les noms de ses adversaires, se contentant au contraire de solliciter un vote à 100 % de son programme de modernisation du pays, défendant avec véhémence le bilan de son premier quinquennat, souvent avec humour. On est véritablement en face de deux campagnes électorales dans une seule : celle de quelqu’un qui y a cru et qui s’est préparé, et celle de personnes qui tablent leur action sur les affrontements et les faux fuyants pour se crédibiliser. Dans ces conditions, l’issue des urnes risque de n’être qu’une simple formalité au soir du 28 novembre.

Natine K./AfricaNews